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Le dernier bouquin de François Bon (“Autobiographie des Objets”) est un vrai cas d’école. Celui de Tristan Nitot ("Surveillance://"
) aussi.
lundi 3 septembre 2012 / 15 octobre 2016, par
François Bon est un écrivain très concerné par l’édition numérique et très actif dans ce secteur qui se cherche vainement (pour l’instant), tant la question est compliquée, et faible l’esprit d’initiative des éditeurs. Son dernier livre ne figure pas au catalogue de son propre site de distribution…
J’ai envie de lire ce livre, avec une préférence pour la version papier (18€ au Seuil) tout en m’accommodant éventuellement d’une édition numérique (13€ chez Numilog), à certaines conditions.
La première condition est presque remplie [1], à savoir que la version numérisée doit être significativement moins chère que le livre papier, pour deux raisons : (i) l’obligation de passer par une liseuse électronique (tablette, smartphone, ordinateur, etc.) est pour moi un inconvénient ; (ii) le prix de revient de l’édition électronique est inférieur à celui du livre imprimé. Cela justifie un rabais. Je dis “presque”, parce que les limitations d’usage (voir paragraphe suivant) sont telles qu’un rabais bien plus important eût été simplement normal. Le numérique ne doit pas être low cost uniquement pour les éditeurs. S’il ne l’est pas aussi pour nous, lecteurs, il va dans le mur.
La seconde condition est l’absence de DRM [2] ou, à tout le moins, l’absence de gêne liée à ceux-ci : je veux pouvoir disposer de mon bouquin où je veux (dans mon bureau au moyen de mon ordinateur, dans un autre bureau au moyen d’un ordinateur qui n’est pas le mien, dans l’autobus avec mon smartphone, dans mon lit avec une tablette, dans l’avion sous forme partiellement imprimée puisque les zinzins électroniques y sont généralement interdits, etc.) Je veux aussi pouvoir prêter, donner ou revendre ce que j’ai acheté. La condition n’est pas remplie, donc retour à l’édition papier, sans même regarder les autres conditions.
Circonstance aggravante, les éditions du Seuil ont contraint l’auteur à faire disparaître les extraits qu’il avait mis en accès libre sur son blog pendant la rédaction de son ouvrage, afin de ne pas nuire aux ventes du livre papier. Cela tempère mon désir de récompenser le mercantilisme de ce marchand de papier.
Reste une dernière issue : pirater ce bouquin, ce qui est toujours possible. Je rechigne à ça, je suis foncièrement honnête. J’aimerais ne pas y être forcé par l’aveuglement de l’industrie du livre. Au besoin, je paierai le prix de l’édition électronique en m’arrogeant unilatéralement une concession intégrale et à perpétuité du contenu acheté. Mais ça fait du boulot, et ce ne serait pas vraiment une affaire. En fin de compte, j’attendrai sans doute sa sortie en édition de poche autour de 8€. [3]
Je suppose qu’un jour viendra où je serai obligé, sous peine de ne plus lire, d’acquérir un machin électronique supplémentaire - en espérant qu’une liseuse universelle conviendra à tous les contenus, ce qui n’est pas gagné d’avance si j’en juge au vu du comportement présent des distributeurs de contenus écrits, musicaux ou vidéo. Par exemple, il est absolument exclu que j’achète un iPad : c’est un produit conçu dans le plus total mépris de ses éventuels acheteurs, dont je ne serai jamais. On n’achète pas un iPad, on s’y soumet. En le payant cher, de surcroît.
Hors l’iPad inachetable, il y a notamment le Kindle (d’Amazon), pour une centaine d’euros [4]. Je souscris complètement au commentaire très réservé que voici. Son auteur a acheté un Kindle. Moi non, pour les raisons qu’il expose et qui auraient dû le retenir. [5] EDIT : aux dernières nouvelles il a dû en acheter deux, le premier étant tombé en panne peu après l’expiration de la garantie. Le second aussi, d’ailleurs. Il est utile de rappeler qu’un livre en papier n’est couvert par aucune garantie, tout simplement parce que ça ne tombe jamais en panne.
J’ai, dans le passé, acheté deux ou trois livres numériques. Je les ai perdus en même temps que les machines auxquelles ils étaient associés, ou à la suite de la déconfiture de leurs distributeurs. Depuis, je considère le livre numérique comme un produit jetable au même titre que la plupart des produits électroniques. Aussi jetable qu’un vulgaire journal (mais je ne peux pas emballer mes harengs dedans, ni même m’en servir pour allumer le barbecue…), ce qui restreint considérablement le nombre de bouquins candidats à ma bibliothèque numérique.
Il est donc urgent d’attendre. J’ai peur que ce soit long, vu l’entêtement des éditeurs et distributeurs dans leur refus de tirer parti d’une technologie prometteuse mais totalement bridée par leur mesquinerie. Les “conditions générales” sont quelquefois paranoïaques au point d’en être ahurissantes. [6]
On en vient à considérer que la vieille technologie (celle du papier) est supérieure à la nouvelle, tout simplement parce qu’en plus de ne nécessiter aucun accessoire technique, elle ne permet pas les abus : ni celui, par les éditeurs et distributeurs, de la restriction d’usage (DRM et/ou conditions générales inacceptables) ; ni celui, par les lecteurs, de la redistribution tous azimuts (gratuite ou vénale). À cela s’ajoute l’argument massue des éditions dites de poche, systématiquement moins chères que les éditions numériques et bénéficiant d’un filtrage éditorial souvent bienvenu.
Note (octobre 2016) : j’ai fait une exception pour "Surveillance://"
de Tristan Nitot, récemment publié chez C&F Éditions. Pour une raison simple : il est publié et distribué honnêtement. Autrement dit sans DRM et à un prix décent (9€ pour la version numérique contre 19€ pour l’édition papier). Voilà un exemple à suivre, qui montre bien qu’en renonçant à la mesquinerie suicidaire de la majorité des éditeurs/distributeurs, on peut vendre des livres numériques, même aux lecteurs jusque là réticents. Dommage que pour comprendre cette évidence il faille être militant comme Tristan Nitot et son éditeur, qui restent des cas isolés.
Je vois que les livres de Djian et de Bon figurent tous deux au catalogue Kindle, dont acte. Ils sont donc accessibles par une seule liseuse. Je reste réticent à l’égard de cet écosystème pour les raisons évoquées plus haut et pour d’autres encore, dont la principale est l’absence de fongibilité du marché européen : ce qui est disponible en France ne l’est pas forcément en Italie, en Belgique ou dans l’Île de la Réunion. C’est inacceptable, et probablement contraire aux règles de l’Union Européenne.
EDIT : le livre de François Bon disparaît du catalogue Kindle. Pas de commentaire.
[1] C’est loin d’être toujours le cas.
[2] Digital Rights Management, c’est-à-dire restrictions logicielles à la libre utilisation du contenu acheté.
[3] Puisque les éditions électroniques ne s’alignent pas sur les prix “poche” quand ceux-ci arrivent sur le marché.
[4] Ces 100€, mis en balance avec les quelque 5€ économisés - quand tout va bien - sur chaque bouquin acheté, demandent tout de même à être justifiés par l’achat d’une vingtaine de livres jetables, qu’on ne souhaite ni conserver précieusement dans sa bibliothèque, ni prêter, ni revendre, ni donner.
[5] Je viens de voir que les produits distribués par Numilog (dont le livre susmentionné) ne sont pas compatibles avec le Kindle, et incompatibles avec bien d’autres dispositifs de lecture. Cela confirme que dans ce domaine aussi, la non-interopérabilité (qui est pour moi une manifestation de bêtise à l’état pur) est la règle. Éditeurs et distributeurs, ne comptez pas sur moi pour acheter une liseuse par maison d’édition, ce qui semble être une obligation pour qui veut lire à la fois le dernier bouquin de Philippe Djian et celui de François Bon dans leurs versions électroniques respectives et incompatibles. Je suis déjà moyennement heureux d’apprendre que mes yeux ne me suffiront bientôt plus pour lire, alors n’en rajoutez pas.
[6] Exemple de Numilog : « Dès l’envoi des liens de téléchargement, les commandes de fichiers numériques sont réputées fermes et définitives et ne peuvent donner lieu à aucun échange ni remboursement. Vous prenez acte de ce que le délai de rétractation de sept jours ouvert par l’article L.121-20-20 du Code de la Consommation ne peut pas s’appliquer, dès lors que la commande a été exécutée par l’envoi de liens de téléchargement, qui équivalent à une livraison définitive du produit ». On ne voit pas au nom de quoi ce distributeur s’exonère unilatéralement d’une obligation qui s’impose à tout le commerce en ligne.