Quand même, je me pose des questions. Quelque injuste qu’ait pu être la situation faite aux ancêtres des Flamands d’aujourd’hui par nos ancêtres francophones dans la Belgique naissante, c’est trop ancien pour expliquer la paranoïa qui frappe leurs descendants contemporains. Il y a forcément autre chose.
À ma connaissance il n’existe nulle part au monde un groupe ethnique aussi peu tolérant que les Flamands sur les questions linguistiques. Où a-t-on vu, ailleurs qu’en Flandre, des mandataires publics se prononcer, sans être massivement désavoués, pour des punitions infligées aux écoliers qui s’expriment en français dans la cour de récré, pour l’interdiction de la signalétique bilingue dans les autobus, pour le renvoi à l’expéditeur des toutes-boîtes en français, pour interdire aux commerçants l’affichage bilingue de leurs prix, pour le refus des convocations électorales dans la langue de leur destinataire ? On n’imagine pas les électeurs “non néerlandophones” de Sint-Genesius Rode renvoyant sans l’affranchir toute correspondance municipale reçue en néerlandais. Un tel acte d’incivisme de la part de citoyens flamands étonnerait moins.
Alors quoi ? 1) Cette attitude maladive n’est-elle majoritaire qu’en apparence, quelques arbres malades cachant une forêt saine (étrangement silencieuse, cette forêt…) ? 2) Nos ancêtres francophones se seraient-ils conduits encore plus mal que les nazis ou les négriers in illo tempore, justifiant cent ans plus tard une juste et inextinguible indignation ? 3) Les Flamands seraient-ils aussi politiquement immatures et aussi manipulables que les Nord-Coréens, les Islamistes fondamentalistes ou les Milosévitchiens purs et durs, à tel point qu’il suffirait d’une poignée d’excités pour les pousser à n’importe quels excès ?
Je cherche, je cherche, je ne vois pas…
En attendant, l’urgence la plus brûlante pour la Flandre n’est pas de combattre l’“occupation belge” (sic) de son Heilige Grond. C’est la menace de l’extrême droite, une menace intérieure, flamande. Ce n’est sûrement pas en laissant les partis dits démocratiques épicer leur sauce avec des condiments Vlaams Belang qu’elle va conjurer le danger. Or c’est précisément dans ce combat-là qu’elle pourrait utilement compter sur l’appui des autres composantes du pays, à condition de ne pas se tromper de priorité et d’éviter de déclarer la guéguerre à tout ce qui n’est pas flamand.
Que chaque électeur flamand médite ceci : le pire ennemi du Flamand, c’est le Flamand extrémiste. Chassez-le. Inutile de chercher au-delà de la taalgrens.