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16 décembre 2010, par
Voir en ligne : Ellington Jazz Party (1959)
Cet enregistrement prodigieux de 1959 [1] méritait d’être mieux documenté, avec notamment la notice du producteur Irving Townsend qui figurait au dos de la pochette du 33-tours original [2]. Au passage, cette session est aussi une magistrale leçon de prise de son [3] (grâce notamment à l’acoustique aérienne du légendaire studio Columbia de la 30è rue, celui-là même où Miles Davis allait entamer un mois plus tard l’enregistrement de son Kind of Blue [4] avec le même Irving Townsend).
L’album fourmille de réussites individuelles et collectives exceptionnelles, sous la direction précise d’un Duke au mieux de sa forme. Mentionnons entre autres le solo très court mais très construit de Harold Baker dans “Red Shoes”, un grand moment. Le très long solo de Gonsalves dans “Ready Go !” me semble supérieur à celui qui l’avait rendu célèbre à Newport trois ans plus tôt. Et Jimmy Hamilton donne tort à Boris Vian qui, pourtant fin connaisseur d’Ellington, l’avait jugé indigne de faire partie de cette illustre formation. Tout au long de la session la cohésion orchestrale, pourtant un marque de fabrique chez Ellington (la télépathie qui règne dans ce groupe reste un mystère stupéfiant), est à un niveau rarement atteint depuis les mémorables sessions de 1940. Avec des colorations inédites, qui plus est.
Trois invités de marque : Dizzy, Jimmy Rushing, Jimmy Jones. Plus neuf percussionnistes embauchés pour la circonstance, utilisés avec une maestria inouïe (les klangfarbenmelodies de Malletoba Spank et de Tymperturbably Blue sont inoubliables. Ils n’ont été enregistrés - et probablement interprétés - qu’une fois). On en vient à se demander pourquoi Ellington, coloriste de génie, n’a recouru qu’une fois dans sa carrière à ce pigment qui lui a si bien réussi [5].
Si Ellington a pu en d’autres circonstances nourrir des ambitions légèrement au-dessus des moyens à sa disposition, il a placé ici la barre plus haut que jamais auparavant, et son groupe magique l’a parfaitement franchie. Un sommet.
[1] Je dis bien 1959. Cinquante ans plus tard, certains ingénieurs du son refusent encore d’y croire. I confirm : 1959, although some sound engineers still don’t believe it fifty years later.
[2] Un extrait de la note de Townsend : “Et Duke, avec l’air innocent d’un gamin qui vient de lâcher une allumette enflammée dans un réservoir d’essence, dit : “Voyons ce qui va se passer”” (cf. la vignette accompagnant le titre du présent billet)
[3] Avec tout de même une grossière faute de mixage ou de montage au début du solo de Dizzy dans Hello Little Girl
[4] C’est au même endroit et le même jour qu’Ellington enregistra trois des six titres de la Queen’s Suite, à ses frais et pour la reine d’Angleterre, en vue d’un pressage en un seul exemplaire (une face mono, une face stéréo) qu’il offrit à la souveraine (avant d’en révéler l’existence des années plus tard, ce qui nous a heureusement permis d’en profiter après sa disparition), voir ici.
[5] Igor Stravinski, autre coloriste génial qui a souvent enregistré dans ce même studio, répondit par cette boutade à une question idiote d’un journaliste Quel est le meilleur orchestre du monde ? : “Celui de Duke Ellington, évidemment”.