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24 février 2011, par
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N’en déplaise aux fidèles de l’église vinylique, l’étendue dynamique de la musique (bien) enregistrée ne peut être restituée fidèlement par le disque microsillon (sans même parler de la réponse en fréquences, qui dans l’exemple ci-dessous déborde assez largement celle que peut restituer le disque noir 33 tours, inférieur sur ce point à une simple cassette audio enregistrée avec le système HxPro).
Voici les spectrogrammes d’un extrait de l’Oiseau de Feu d’Igor Stravinski enregistré à Chicago en 1992 par la Deutsche Grammophon Gesellschaft (Pierre Boulez, Orchestre Symphonique de Chicago). [1] :
On voit (et on entend) que l’étendue dynamique de ce passage atteint à peu près 90 dB. Or dans les meilleures conditions possibles, le microsillon ne peut dépasser, par construction, une étendue dynamique de 65 dB [2], ce qui implique une compression dynamique de 25 dB (soit une atténuation des niveaux les plus élevés à environ 1/250e de leur valeur d’origine).
La compression dynamique pratiquée sauvagement par les chaînes de radio, les ingénieurs du son des salles de concert et même par les maisons de disques, est à juste titre l’objet de l’ire des audiophiles y compris et surtout de la part de ceux qui ne jurent que par le disque vinyle. Ils refusent de voir que leur platine chérie fait de la compression dynamique, obligatoirement, constamment, massivement. [3]
L’adepte de l’obédience analogique de ladite église pourrait évidemment obtenir une réelle fidélité dynamique sans se soumettre aux fourches caudines du numérique abhorré. Il lui faudrait pour cela s’équiper d’un magnétophone analogique professionnel doté d’un système non moins professionnel de “compansion” (compression + expansion) comme le Dolby A. Il lui faudrait aussi se procurer des copies parfaites de la bande magnétique master ayant servi à la production du disque. [4]
Économiquement, c’est irréaliste : un magnétophone Studer, Otari ou Ampex de ce niveau de qualité est rarissime et ne se trouve pas en-dessous de 10.000 $. Quant aux bandes master, elles sont par définition introuvables puisque uniques. Une copie parfaite ne peut être — horresco referens — que numérique.
On peut se rapprocher de cette fidélité dynamique chez soi, avec un équipement audio complet coûtant moins de 3000 € (un lecteur de CD ou une autre source numérique convenable, un amplificateur et deux enceintes de bonne qualité). Il est vrai que l’écoute du Sacre ou de Petrushka avec une dynamique “vraie” vous expose immanquablement aux coups de manche à balai des voisins du dessus et du dessous ; dans l’intérêt de la paix des immeubles, le bon vieux 33-tours peut alors se justifier.
Ceci étant dit, je comprends tout à fait que l’on s’amuse à combiner des savoir-faire d’horloger, de mécanicien, d’acousticien, d’électricien et d’électronicien pour tirer le meilleur parti possible d’une technologie désuète et jouir du plaisir de la faire rivaliser avec les techniques contemporaines pas toujours bien maîtrisées [5]. Je me suis beaucoup amusé moi aussi, in illo tempore, à régler aux petits oignons ma platine Lenco L75 et ses petits poids suspendus, et à essayer mille astuces pour combattre l’inéluctable dégradation de mes disques noirs, y compris l’eau distillée et le Paic Citron. Tout cela ne me semble plus justifié aujourd’hui par un plaisir musical à la hauteur des efforts consentis. Reste le charme incontestable des pochettes de trente centimètres, véritables œuvres d’art quelquefois.
Je n’ignore pas, bien entendu, que l’audio numérique a aussi ses imperfections :
Je les considère néanmoins moins gênantes que celles du disque noir. Elles peuvent être corrigées en modifiant les paramètres de quantification et d’échantillonnage, moyennant un certain coût évidemment.
[1] Il s’agit du tableau XI. Carillon Féerique, apparition des monstres, entre 01:55 et 02:05
[2] Jusqu’à 70 dB pour la partie la plus proche du bord du disque, si celui-ci est neuf et à la condition - rarement satisfaite - de le lire au moyen d’une cellule de très haute qualité.
[3] Je sais bien qu’une compression dynamique bien faite (c’est tout un art, très subtil) sera souvent jugée flatteuse par l’audiophile même exigeant. C’est plaisant, certes, mais objectivement c’est une différence mesurable entre le son original et celui restitué. C’est la définition même d’une distorsion.
[4] Un créneau audiophile négligé par les maisons de disques agonisantes : la distribution internétique de fichiers audio “bruts de studio”, copies exactes des masters avec toute la dynamique et toute la bande passante d’origine, quantifiés à 24 ou 32 bits, échantillonnés à 96 kHz. Pour rappel, les CD du commerce sont quantifiés à 16 bits et échantillonnés à 44,1 kHz ce qui permet déjà une qualité très supérieure à celle du microsillon si la technique est bien maîtrisée ; c’est clairement le cas de l’enregistrement DGG qui a été pris comme exemple dans cet article. EDIT : je découvre ceci, qui prouve que les bonnes idées peuvent naître dans plus d’une tête. Sans surprise, on notera au passage cette limitation.
[5] À ce propos, je m’interroge sur la différence entre les courbes d’apprentissage respectives de la stéréophonie dans les années cinquante (apprentissage plutôt rapide si on se réfère aux prises de son Columbia, EMI ou Philips des années 1958-59) et de l’audionumérique (très lent au vu de certains albums publiés dans les années 90) 25 ans plus tard.